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I – IMPOTS DIRECTS

La seconde loi de finances rectificative a adapté les règles fiscales inhérentes aux abandons de loyers consentis par les bailleurs aux locataires soumis aux règles des entreprises, en cette période si particulière.

La problématique d’un tel abandon se situe à un double niveau.

  • Chez les bailleurs en premier lieu où un tel abandon, en droit commun, peut constituer, chez les entreprises commerciales, un acte anormal de gestion, et chez les particuliers un revenu imposable, le revenu en cause étant considéré comme perçu puis abandonné dans le cadre d’une libéralité.
  • Chez le locataire ensuite, où un tel abandon est considéré comme un produit imposable.

Dans le contexte du COVID 19, le Gouvernement a décidé d’atténuer dans certaines hypothèses la rigueur de ces principes.

Ainsi, l’article 39 du Code Général des Impôts est ainsi complété .

« 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment :

9. Les abandons de créances de loyer et accessoires afférents à des immeubles donnés en location à une entreprise n’ayant pas de lien de dépendance avec le bailleur au sens du 12 du présent article consentis entre le 15 avril et le 31 décembre 2020, dans leur intégralité.

12. Des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises :

a- lorsque l’une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l’autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ,

b- lorsqu’elles sont placées l’une et l’autre, dans les conditions définies au a, sous le contrôle d’une même tierce entreprise. »

Les conséquences de cet ajout peuvent être analysées comme suit

1. CHEZ LE BAILLEUR

Bailleur entreprise commerciale

Principe général :

Les entreprises qui acceptent d’abandonner des créances de loyers pourront déduire ces abandons de créances de leurs bénéfices imposables, consentis entre le 15 avril 2020 et le 31 décembre 2020 sans qu’il soit nécessaire de justifier du caractère normal d’un tel abandon. Il conviendra en pratique de comptabiliser en produit le loyer et de comptabiliser en charge l’abandon. On peut souligner que le texte ne vise aucunement les loyers courus sur cette période mais les abandons consentis dans cette période. Ce point méritera d’être précisé.

En outre, l’article 39 du Code Général des Impôts visant la déductibilité des charges, il parait raisonnable de penser qu’en cas de renonciation à percevoir des loyers à courir, justifiée par un avenant au bail, et donc en l’absence de comptabilisation de la créance, aucune remise en cause au titre d’une quelconque renonciation à recette ne pourrait être relevée.

Sur ce point, la Commission des finances avait en effet précisé l’esprit de la mesure :

« Le présent article vise à permettre, de façon exceptionnelle, la déductibilité des abandons de loyers consentis par les bailleurs entre le 15 avril 2020 et le 31 juillet 2021. Il s’agit ainsi d’inciter les bailleurs à renoncer aux lovers à percevoir pour permettre aux entreprises locataires de contenir leur endettement »

Limite

Il ne doit exister aucun lien de dépendance avec l’entreprise locataire, ce qui exclut notamment toute situation intragroupe. Cette limitation est un véritable handicap dans le dispositif, faisant abstraction de la personnalité juridique des sociétés composant le groupe.

Bailleur particulier

Les renonciations à percevoir les loyers futurs et les abandons de loyers ne seront pas considérées comme des revenus fonciers imposables.

Limite

Si le locataire est un ascendant, un descendant ou un membre du foyer fiscal du bailleur, ce dernier doit pouvoir justifier des difficultés de trésorerie du locataire. On remarque que si la location est consentie au profit d’une entité sociétaire détenue au final par un ascendant, un descendant ou un membre du foyer fiscal du bailleur, cette limitation ne semble pas jouer.

2. CHEZ LE LOCATAIRE.

Pour les entreprises locataires, l’abandon de créance est un produit imposable, qui viendra compenser la charge de loyer. Aucun aménagement particulier n’est donc à noter sur ce point.

Le seul apport de la loi de finances rectificative en cause est une modification des dispositions de l’article 209 du Code Général des impôts inhérent à la limitation de l’imputation des déficits reportés en avant :

« Sous réserve de l’option prévue à l’article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l’exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice dans la limite d’un montant de 1 000 000 € majoré de 50 % du montant correspondant au bénéfice imposable dudit exercice excédant ce premier montant. Si ce bénéfice n’est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l’excédent du déficit est reporté dans les mêmes conditions sur les exercices suivants. Il en est de même de la fraction de déficit non admise en déduction en application de la première phrase du présent alinéa.
(…)
Pour les sociétés auxquelles sont consentis des abandons de créances mentionnés au 9 0 du 1 de l’article 39, la limite de 1 000 000 € mentionnée au troisième alinéa du présent / est majorée du montant de ces abandons de créances. »

En application de ces nouvelles dispositions, et afin de ne pas pénaliser les entreprises locataires, la seconde loi de finances rectificative prévoit que l’abandon de créance viendra majorer le plafond d’un million d’euro d’imputation des déficits antérieurs.

II. EN MATIERE DE TVA

La question ne se pose que si les locaux professionnels sont loués équipés et donc soumis à TVA de plein de droit, ou encore s’ils sont loués nus et que le bailleur assujetti a régulièrement exercé son option à la TVA sur lesdits locaux.

1. CHEZ LE BAILLEUR

I . I . Le bailleur et la TVA collectée

a) Lorsque le bailleur n’a pas opté sur les débits

La TVA est en principe exigible lors de l’encaissement du loyer. Aussi, lorsque le loyer est abandonné et n’est donc pas effectivement encaissé, aucune exigibilité TVA ne devrait intervenir. Si la question a été un temps débattu devant le Juge de l’impôt, l’Administration considérant que l’abandon de loyer n’était alors autre qu’un acte de disposition valant encaissement, le Conseil d’Etat a récemment clarifié la situation : un loyer non encaissé ne donne donc pas lieu à collecte de la taxe, y compris s’il est consenti par abandon de la créance (CE 2 mai 2018 n o 404161). En conclusion, aucune TVA n’est à collecter en cas d’abandon de loyer.

b) Lorsque le bailleur a opté sur les débits

La TVA est ici due, indépendamment de l’encaissement des loyers si bien que l’abandon reste sans incidence. La TVA est en effet exigible dès la constatation de la créance du bailleur sur son locataire et l’impayé du loyer ne permet de corriger le trop de TVA collectée qu’en cas de démonstration que la créance de loyer est définitivement « irrécouvrable » et si, en outre, un duplicata de facture est adressé avec certaines mentions particulières. Dans le cas d’un abandon, on ne peut a priori pas se situer dans le cas des créances définitivement irrécouvrables puisque l’abandon résulte d’un acte volontaire du créancier et non du constat de la situation financière du débiteur. Reste la question de savoir s’il est possible d’éviter la naissance même de l’exigibilité de la TVA, faute de pouvoir ab initio constater la créance parce qu’il y aurait été renoncé avant même de pouvoir la constater ? On pourrait distinguer la situation selon que la créance de loyer est déjà née, constatée puis abandonnée, ou que les loyers futurs font l’objet d’une renonciation de la part du bailleur sur une période donnée.

1 .2. Le bailleur et ses propres droits à déduction

Lorsque le bailleur n’a pas opté sur les débits, on constate qu’il ne collectera plus de TVA sur la période de location couverte par l’abandon de loyer. Faute de TVA collectée, ses propres droits à déduction sont-ils impactés ?

La situation étant par définition temporaire — ce qui sera en principe aisément justifiable par la production d’un avenant au contrat ou échange de courriers — le mécanisme des régularisations de TVA d’amont (régularisations globales) n’a pas à intervenir. Le bailleur n’a pas souhaité mettre fin au bail en cours pour le remplacer par une pure jouissance gratuite définitive. Lorsque la situation n’est que temporaire, l’ajustement des droits à déduction passe en principe par la taxation d’une prestation de service à soi-même mais son application au cas d’espèce n’est pas évidente et on attendra les commentaires administratifs.

Si les locaux loués aux professionnels sont compris dans un ensemble immobilier comprenant d’autres locaux loués également par le même bailleur mais cette fois à usage d’habitation, la TVA grevant les dépenses communes de l’immeuble (affectation aussi bien aux locaux loués en TVA et aux locaux non loués en TVA car à usage d’habitation) est récupérée selon un coefficient de déduction calculé à partir d’un ratio de loyers soumis à TVA comparé à l’ensemble des loyers perçus. En conséquence, le défaut de perception de loyers soumis à TVA vient mécaniquement dégrader le coefficient de déduction. Pour mémoire, toutefois, l’Administration autorise dans sa doctrine administrative la possibilité de calculer ce coefficient par référence non pas aux loyers mais aux surfaces affectées, à tout le moins pour les dépenses d’acquisition et de construction (BOI-TVA-CHAMP-50-10 n o 160 du 4 avril 2014). On notera que l’extension de cette tolérance à l’ensemble des travaux de réfection prévue dans des réponses ministérielles de 2010 n’a pas été reprise au BOFIP depuis 2012.

2. CHEZ LE LOCATAIRE

La situation du locataire mérite une attention particulière lorsqu’il est assujetti récupérateur de TVA afin d’identifier l’impact de l’abandon sur ses droits à déduction. Son droit à déduction naît lorsque la TVA est exigible chez le bailleur. Aussi, le raisonnement dépend de savoir si son bailleur a ou non opté pour la TVA sur les débits.

> Le bailleur n’a pas opté sur les débits

Dans ce cas, la TVA n’est exigible chez le bailleur que lors de l’encaissement, lequel n’intervient pas du fait de l’abandon de loyer. En conséquence, puisqu’aucune TVA n’est exigible chez le bailleur, aucune TVA n’est déductible chez le locataire.

> Le bailleur a opté sur les débits

S’il a été amené à constater la créance sur le locataire, il a donc dû émettre une facture correspondante et donc constater la TVA exigible sur le loyer, malgré l’abandon subséquent. Corrélativement, et dans le respect du principe de neutralité de la TVA, le droit à déduction ne devrait-t-il pas alors naître au même moment chez le locataire .?.On sera attentif aux éventuels commentaires administratifs à venir.

Nous nous tenons à votre disposition pour plus d’informations au 04 78 83 41 41.

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